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Le bois comme combustible

Sous l’Ancien Régime, le bois était le matériau par excellence. Il servait au chauffage, à la construction, à l’outillage que ce soit dans l’agriculture ou la vie domestique, et comme combustible pour diverses industries dont les forges.
L’équilibre entre ces différents usages du bois est à l’origine de la répartition géographique des forges dont la fonction première est de rentabiliser le couvert forestier des grands domaines fonciers.

La gestion de la forêt

Aux confins du Limousin, la région de l’Auvézère est aujourd’hui encore plantée d’épaisses forêts, propices à la promenade comme à l’écoute du brame du cerf, à la saison.
Cette forêt était tout autrement gérée au temps où la forge fonctionnait à plein régime. Chaque année elle consommait près de 60 hectares de forêt pour alimenter son haut-fourneau et ses feux d’affinerie.

Cliquer pour agrandir la photo du château de Savignac-Lédrier; © phot : Alain Devise, 2003 ; CG24
Le château de Savignac-Lédrier témoigne de l’origine aristocratique des premiers propriétaires du domaine dont les revenus proviennent pour partie de l’exploitation de la forêt ; © phot : Alain Devise, 2003 ; CG24

Le châtaignier était et reste aujourd’hui encore, l’essence dominante de l’espace boisé aux alentours de la forge. A la différence du chêne exploité en futaie, le châtaignier en taillis offrait l’avantage de repousser en cépée ce qui permettait une rotation rapide des coupes.
Elles intervenaient en moyenne tous les 15 à 20 ans d’octobre à février.

Cliquer pour agrandir la photo d'une coupe de faite sur le taillis de châtaignier; © Fonds Combescot, série 47FI, AD2
Sur cette photo de 1890, la coupe faite sur le taillis de châtaignier situé en rive gauche de l’Auvézère n’était pas destinée à être convertie en charbon de bois mais correspondait à une commande d’échalas pour les vignobles du bordelais © Fonds Combescot, série 47FI, AD2

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, le domaine de Savignac-Lédrier, s’étendait sur environ 140 hectares dont 40% était recouvert de taillis, les 60% restant se répartissant en terres labourables et près. Le charbon de bois issu de la propriété ne représentait que 10% des besoins annuels de la forge. Le maître de forge devait donc s’approvisionner en bois auprès d’autres propriétaires ou auprès de marchands de bois. 

Pour assurer la rentabilité économique de son entreprise, le maître de forge devait se fournir dans un rayon de dix à quinze kilomètres environ. Au-delà le prix du bois acheminé à la forge pesait trop lourdement sur le coût de revient de la fonte et du fer produit. Cette contrainte économique liée à la concurrence des usages du bois était à l’origine de la répartition géographique des usines sidérurgiques 

Cliquer pour agrandir la photo du château du maître de forge; © Fonds Combescot, série 47FI, AD24
Sur cette photo de 1910 le château du maître de forge s’inscrit dans un paysage ouvert dominé par la présence des terres labourables et des près. La déprise agricole est aujourd’hui la cause de la fermeture du paysage avec la présence dominante de la forêt sur les parcelles les plus délicates et les plus ingrates à exploiter © Fonds Combescot, série 47FI, AD24

Si les travaux en forêt mobilisaient la paysannerie pour des opérations de bûcheronnage, d’écorçage, de fagotage, de transport, en revanche la production du charbon de bois par carbonisation nécessitait le savoir-faire spécifique des charbonniers.

Comment se déroulait la carbonisation ?

Le maître charbonnier s’employait généralement au fourneau durant de longues semaines, confectionnant une meule de forme conique avec des branches et de la terre, sur un emplacement dégagé et plat d’environ six mètres de diamètre. 

Autour d’un piquet central étaient disposées des brindilles pour l’allumage ; puis on agençait  des bois à l’horizontale, formant la base de la meule sur laquelle étaient dressés des rondins. Le charbonnier parachevait cette préparation en ajoutant une cheminée, construite à l’identique, avec deux rangs de bûches concentriques. Une couche de 10 cm de paille, foin ou feuilles séchées venait recouvrir le bois, elle-même surmontée d’une petite épaisseur de terre. Restait à retirer le piquet central, dans lequel on versait des braises enflammées sur un lit de brindilles.

Le savoir-faire consistait à diriger le feu horizontalement, sur toute la circonférence du monticule : seule la fumée guidait le charbonnier pour savoir ce qu’il se passait à l’intérieur du foyer. Abondantes et blanches au début, virant au gris, puis au bleu pour devenir incolores en fin de cuisson. Le déroulement de l’opération demandait une vigilance constante, le feu se consumant durant une semaine avant que les flancs de l’ouvrage s’affaissent.
De la lenteur de la combustion naissait le charbon de bois. Une « meule » recevait en moyenne de trois à huit brasses de bois, coupé depuis quatre ou cinq mois.
Avec l’arrêt des forges aux bois, le métier de charbonnier, véritable « gueule noire » du monde rural, disparut. 

De la forêt à la halle à charbon

Le charbon de bois, transporté entre mars et juillet jusqu’à la forge, prenait place dans la halle à charbon. Ce bâtiment, construit en 1824, permettait de stocker l’équivalent de la consommation annuelle, c’est-à-dire 1 500 à 2 000 tonnes dans les années 1870.
Il était conçu à cet usage précis : des cloisons à claire-voie, en châtaignier refendu, reliaient les piliers maçonnés ; le jour laissé entre les lattes garantissait la ventilation du lieu. Cette précieuse provision était placée sous la responsabilité du régisseur, qui en surveillait étroitement la fabrication tout comme la livraison.
Le chargement de la halle à charbon s’effectuait par le haut de l’édifice. Sur l’arrière de la halle, deux lucarnes accessibles de plain-pied s’ouvraient sur un cheminement de planche qui, depuis la charpente, desservait l’aire de stockage. 

Cliquer pour agrandir la photo de la date de construction de la halle à charbon  © Conservation du patrimoine départemental, 2012 ; CD24
La date de construction de la halle à charbon inscrite sur l’un de ses piliers maçonnés est l’indice d’une restructuration des équipements de la forge dans la première moitié du 19ème siècle. C’est durant cette période que le haut-fourneau actuel fut reconstruit © Conservation du patrimoine départemental, 2012 ; CD24